Paroles d’experts répond à Nathalie, propriétaire d’une maison à Laval. Elle a découvert des fissures au niveau de ses murs de fondation. Elle souhaite savoir comment réagir et stopper cette progression.
Doit-on s’inquiéter à chaque fois que l’on voit une fissure sur un mur de son bâtiment ?
Tout ouvrage en béton est susceptible d’avoir des fissures : c’est presque inévitable de par la nature même de ce matériau qui est composé d’eau. En séchant, l’eau s’évapore entrainant ce que l’on appelle une rétractation du béton qui microfissure. Cela concerne autant la dalle que les murs de fondation. Ce processus de séchage qui se produit généralement dès la mise en place peut causer des fissures de retrait tout à fait normales. Une simple surveillance est requise pour vérifier leur évolution. Là où cela devient problématique, c’est lorsque ces fissures s’agrandissent avec le temps car elles peuvent être considérées comme dangereuses pour l’intégrité du bâtiment.
Doit-on faire appel à un expert en bâtiment immédiatement ?
Cela dépend du type de fissure. L’Association des consommateurs pour la qualité dans la construction (ACQC) distingue trois types de fissures : 1. la fissure passive qui ne s’agrandit pas avec le temps et qui est souvent superficielle, 2. la fissure active qui s’aggrave continuellement dans le temps et enfin 3. la fissure horizontale ou verticale. Une fissure grave indique généralement un mouvement du sol (provoqué généralement par un tassement différentiel) et elle se répercute souvent sur le parement extérieur où l’on voit de longues fissures obliques. Les fissures de vieillissement sont des fissures superficielles qui apparaissent sur les murs de fondations, dans le crépi (surtout sur des fondations en pierres ou en blocs de béton) ou dans la dalle sur sol. Les fissures se produisent d’abord aux endroits les plus faibles des murs, c’est-à-dire aux coins des ouvertures (portes et fenêtres). J’aime bien comparer la structure d’un bâtiment à un squelette chez l’être humain : si vous vous faites une entorse au pied, vous allez faire attention mais n’allez pas nécessairement consulter un médecin. Si en revanche, vous vous fracturez la jambe, vous avez intérêt à consulter un professionnel pour qu’il puisse réparer votre jambe cassée. C’est un peu pareil avec votre bâtiment : les fissures de retrait ou superficielles sont des entorses qu’il convient de surveiller. Les fissures actives sont des fractures. Or, si une fracture n’est pas bien traitée, les articulations peuvent devenir raides, faibles ou déformées de manière irréversible. C’est un peu le même processus qui va se passer avec votre bâtiment.
Quelles peuvent être les origines de ces fissures majeures ?
Chaque bâtiment est différent et seule une investigation – et plus exactement une analyse structurale et/ou géotechnique – pourra déterminer les causes de ces fissures. Parmi les nombreuses raisons possibles, nous pouvons citer par exemple un affaissement du sol – notamment des sols argileux, une nappe phréatique élevée, un remblayage inadéquat ou effectué trop tôt, une mauvaise composition du béton, un soulèvement par l’adhérence dû au gel, une poussée du sol gelé, une corrosion des barres d’armature, une mauvaise conception…
Quels sont les risques à ne pas traiter ces fissures à temps ?
L’un des pires ennemis du bâtiment est… l’eau ! Si l’eau s’infiltre, elle peut créer de graves problèmes d’humidité et de pertes de chaleur. L’eau va s’attaquer aux armatures du béton, lesquelles vont se corroder. Les cycles de gel et dégel vont agrandir les fissures et c’est toute la structure qui va en pâtir. Par ailleurs, l’eau va endommager les composantes internes de la structure jusqu’à favoriser la prolifération fongique menant à l’apparition des moisissures dommageables à la santé des habitants. Enfin, la valeur de votre bien immobilier va diminuer et la facture des réparations va augmenter.
Quelles sont les solutions possibles ?
En plus d’assurer la stabilité de votre immeuble, les murs de fondations, de même que la dalle de béton, ne doivent pas laisser l’eau s’infiltrer. Il faut donc les rendre étanches. Parmi les méthodes efficaces pour la réparation des fissures ne dépassant pas 2-3 mm, il y a les colmatages grâce à des injections à base d’époxy ou de produits flexibles et/ou bien encore la pose d’une membrane d’étanchéité́. Pour les fissures plus importantes, il sera généralement requis de renforcer les fondations à l’aide de plaques d’acier ou autres. Si les planchers manifestent des signes d’inclinaison importants, il pourrait être requis de faire stabiliser les fondations à l’aide de pieux.
Comment se prémunir de malfaçons ?
Les murs de fondations sont soumis à une réglementation stricte afin de représenter aucune condition dangereuse. D’ailleurs, l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ) indique que les murs de fondations « doivent supporter la charge du bâtiment et résister aux pressions latérales du sol. Ils doivent être conçus pour empêcher les infiltrations d’eau et limiter le transfert d’humidité et les pertes de chaleur. » Leur hauteur, épaisseur et composante sont fondamentales pour obtenir des murs de fondations solides et durables. Il est important de faire faire vos plans et devis de construction mais aussi vos travaux correctifs par une firme reconnue souscrivant à une assurance « Erreur et Omissions ». Pour les réparations, il est préférable de faire affaire avec un spécialiste capable de fournir une garantie sur son ouvrage. Si vous avez un doute sur les travaux de l’entrepreneur en charge de vos travaux, vous pouvez toujours solliciter une surveillance de travaux et/ou un contrôle qualité par une firme d’ingénierie du bâtiment. Elle veillera au respect des normes en vigueur et des plans soumis par votre ingénieur. Enfin, si vous le souhaitez, vous pouvez demander un certificat de conformité lequel sera une garantie supplémentaire en cas de revente de votre bien immobilier.
Propos recueillis auprès de Claude Guertin, ingénieur et fondateur de ProspecPlus Génie Conseils