Paroles d’experts répond à Michel, propriétaire d’une maison à Québec. Il a fait faire des travaux importants et couteux par un entrepreneur. Néanmoins, il en est mécontent. Il se demande quel recours il peut faire valoir.
De quel recours dispose un client à l’encontre d’un entrepreneur n’ayant pas effectué des travaux correctement ?
Si une personne juge que les termes du contrat le liant avec son entrepreneur n’ont pas été respectés, elle a le droit de se retourner contre lui. Cela se fait via une expertise que l’on appelle « technico-légale ». C’est votre avocat qui jugera de la pertinence ou pas de la démarche. Cette expertise devrait être effectuée par un expert en bâtiment (technologue, architecte ou ingénieur) lequel devra alors produire un rapport d’expertise totalement impartial ayant pour but d’éclairer le Tribunal sur les aspects techniques de votre litige. Néanmoins, se lancer dans cette démarche n’est pas anodin. Ce genre d’expertise peut être couteux et long (frais de visites, de rédaction de rapport, de contre-expertise, d’avocat, etc). Cela peut être d’autant plus stressant si, finalement, le jugement de la Cour ne vous donne pas raison. C’est donc une décision importante qu’il ne faut pas prendre à la légère.
Que conseillez-vous ?
Tout d’abord, votre jugement doit être bien fondé c’est-à-dire le plus objectif possible. Parfois, j’ai vu des clients mécontents sans aucune raison de l’être. Il s’agissait parfois d’un défaut n’ayant rien à voir avec les travaux de l’entrepreneur en question et existants bien avant le début des travaux. Donc la prudence est de rigueur. Si en revanche, de bonne foi, vous pensez que les dommages ou malfaçons constatés proviennent des travaux de l’entrepreneur, je conseille vivement de vérifier attentivement le contrat signé avec lui. Assurez-vous qu’il existe une garantie de travaux pour la faire valoir. Si non, prenez des photos (et vidéos) des lieux qui sont selon vous endommagés et faites-les parvenir par courrier avec accusé de réception à l’entrepreneur pour trouver un arrangement. Le but ici est d’arriver à un règlement à l’amiable autant que possible pour des raisons financières évidentes.
Que faire si l’entrepreneur rejette tout règlement à l’amiable ?
Si c’est le cas, l’expertise technico-légale s’impose avec l’aide d’un expert en bâtiment. Une fois que vous l’aurez mandaté, il viendra constater les dommages et/ou malfaçons mais aussi consulter toute autre documentation utile à la compréhension du dossier : contrats, plans et devis, etc. Il peut également estimer le coût des réparations pour chacun des défauts constatés qui sont imputables à l’entrepreneur.
Quelles précautions recommandez-vous ?
Dans le cas où les dommages/malfaçons relèvent de la structure, la première précaution est de faire appel à un ingénieur en bâtiment expérimenté et certifié. Vous pouvez d’ailleurs vérifier son affiliation à l’Ordre des Ingénieurs du Québec en ligne. Parlez également de votre problème auprès de votre entourage qui aura peut-être des références à vous donner. Ensuite, une fois que vous aurez trouvé un professionnel, n’hésitez pas à lui poser des questions sur le mode d’opération qu’il utilise, le type de rapport qu’il produit, etc. C’est votre droit d’en savoir davantage avant de le mandater. A l’issue de la première visite de l’ingénieur-expert, posez-lui toutes les questions que vous avez en tête. Il n’y a aucune « question bête » surtout quand cela vous engage sur une bataille juridique laquelle peut être couteuse et fastidieuse ! Enfin, il faut garder en tête que l’ingénieur que vous mandaterez n’est pas un ingénieur supposé vous « défendre ». Chez ProspecPlus, nous donnons notre point de vue général oralement dès la première visite pour que vous sachiez si cela vaut la peine ou pas de continuer de monter votre dossier. Si vous jugez alors que vous voulez poursuivre votre action, l’ingénieur rédigera un rapport lequel doit être transparent et tout à fait objectif. Sans parti pris et j’insiste sur ce point-là. Un ingénieur professionnel argumentera toujours ses observations avec des preuves à l’appui (photos, extraits des Codes du Bâtiment en vigueur, contrats signés, etc). Si vous n’avez pas ce genre de rapport, votre dossier risque de ne pas être bien solide devant un juge.
Selon vous, est-ce que le consommateur a généralement gain de cause ?
En 20 ans de carrière dans le domaine, je peux vous dire que les torts sont parfois partagés. C’est vrai qu’il existe malheureusement des entrepreneurs qui ne font pas leur travail dans les règles de l’art et il est impératif de les poursuivre car ils peuvent parfois mettre en danger la sécurité des personnes qui vivent ou travaillent dans le bâtiment en question. Mais nous voyons également le cas inverse pour lequel les entrepreneurs font des recours contre leur client. J’ai récemment eu le cas d’un entrepreneur qui a fait faire une contre-expertise car son client refusait de le payer estimant que les travaux (d’un montant de plus de 300 000 CAD) n’avaient pas été faits correctement. Le propriétaire de la bâtisse avait mandaté un « expert » qui lui avait facturé quatre visites et dont le rapport de constats tenait sur cinq paragraphes uniquement ! Notre contre-expertise et analyse des contrats nous a permis de soutenir que le mécontentement du client n’était que partiellement justifié puisque ce dernier avait refusé certains conseils de l’entrepreneur pour faire des économies et effectuer lui-même certains travaux. Cet « expert » avait ainsi joué sur la crédulité de son client en soutenant son sentiment négatif sans aucune argumentation objective. Ce litige a finalement abouti en une entente de règlement hors Cour ce qui est une bonne nouvelle car elle prouve que le propriétaire n’avait pas une solide défense face au rapport de contre-expertise. Cet exemple montre combien il est important de choisir un prestataire qui fera l’expertise de manière objective – donc sans aucun parti pris – et de la façon la plus détaillée possible.
Pour en savoir plus sur les recommandations de l’APCHQ, veuillez consulter le Guide de performance de l’APCHQ répertoriant quelque 280 règles de bonnes pratiques pour les professionnels de la construction résidentielle au Québec.
Propos recueillis auprès de Claude Guertin, ingénieur et fondateur de ProspecPlus Génie-Conseil